Fungi
Les Fonges (Fungi), également appelés Mycètes (Mycota), sont un règne d'organismes eucaryotes appelés communément champignons. Ce règne est diversifié, regroupant des organismes microscopiques, invisibles à l'œil nu, microchampignons unicellulaires (levures) ou pluricellulaires (moisissures), jusqu'aux « champignons supérieurs » dotés le plus souvent d'un pied et d'un chapeau, que le promeneur récolte.
Leur succès évolutif est en grande partie dû à leur plasticité génétique associée à des caractéristiques biologiques extrêmement diversifiées, depuis leurs modes de vie (symbiose de type lichens ou mycorhizes, parasitisme biotrophe ou nécrotrophe, saprotrophie) jusqu'à leur développement qui implique divers processus : la sporulation, la germination des spores, la croissance de l'appareil végétatif (mycélium composé d'hyphes), et la reproduction par voie asexuée ou sexuée en différenciant un appareil reproducteur, le sporophore.
L'existence simultanée d’une paroi cellulaire périphérique et de vacuoles turgescentes dans le cytoplasme les rapproche des végétaux auxquels on les rattachait autrefois, alors que leur corps végétatif non différencié et leur paroi peptido-polyosidique les distingue des plantes. L'absence de chloroplastes, de chlorophylle et d'amidon en fait, comme les animaux, des organismes hétérotrophes au carbone. Sur la base de ces caractères particuliers, l'Américain Robert Harding Whittaker classe en 1959 les champignons dans un règne à part, celui des Mycota ou Mycètes. D'après des substances typiques du règne animal retrouvées chez les champignons lors d'études chimiotaxonomiques (chitine, mélanine, bufoténine, etc.) et l'analyse des séquences ADN, la classification phylogénétique actuelle les rend plus proches des animaux, formant avec eux l'essentiel du super-règne des Opisthochontes.
La mycologie est la science qui les étudie.
Environ 120 000 espèces de Mycètes ont été décrites à ce jour (avec un rythme moyen de 1 300 espèces nouvelles décrites annuellement), mais la majorité sont des microorganismes incultivés et les estimations des mycologues de leur nombre total, basées notamment sur des analyses métagénomiques d'un grand éventail de sols, vont de 0,5 à 10 millions, l'établissement de l'inventaire fongique qui se voudrait exhaustif prenant plusieurs milliers d'années au rythme de description actuelle.
Étymologie
Il existe une grande dispersion étymologique pour désigner les champignons, ce qui peut laisser penser que les hommes pré- et proto-historiques consommaient rarement ces organismes. Cependant, la découverte en 1991 d'Ötzi révèle que cet homme vivant vers 2500 av. J.-C. transportait dans son sac deux types de champignons, des polypores du bouleau, probablement à usage médicinal (consommés pour ses propriétés antibiotiques, vermifuges et vulnéraires) et de l'amadou, probable allume-feu, ce qui suggère que les hommes préhistoriques qui vivaient de chasse et de cueillette, ont récolté des champignons pour leur consommation, comme le font encore de nos jours maintes peuplades exploitant la nature.
Le terme champignon vient de l'ancien français du XIIIe siècle champignuel (par substitution du suffixe -on*) du bas latin campinolius « petits produits des campagnes » ou « qui pousse dans les champs » (dérivé en -ŏlu de campania, « campagne, champ »), lui-même issu de la racine latine campus, « campagne », qui donne le champ[a], la plaine.
Le mousseron (nom vernaculaire du Tricholome de la Saint-Georges), perçu comme poussant dans la mousse, a donné en anglais le nom générique du champignon, mushroom. La racine de ce mot semble être la mousse, mais est plus probablement l'indo-européen *meu qui l’apparente au latin muscus (« mousse »), mucus (« morve »), mucor (« moisissure ») et au grec mykès (d'où les Mycètes) désignant d'abord les champignons en général[11]. Les termes grec et latin sont ainsi une allusion possible aux champignons qui se protègent contre la dessication par une couche de mucus qui recouvre leur chapeau et parfois aussi leur pied, ou à la mycophobie ancestrale, les champignons étant associés aux mucosités nasales repoussantes.
Selon une étymologie populaire, fungus et fongus sont la contraction du latin funus, « funérailles » et d'ago, « produire », rappelant les nombreux décès provoqués par les champignons toxiques. Une origine plus probable de ce terme serait une allusion à l'aspect poreux ou spongieux des champignons : les mots espagnol (hongo) et italien (fungo) remontent en effet à une racine méditerranéenne, *sfong-/*fung-, qui a donné en grec spongos et en anglais sponge, signifiant « éponge », et en latin fungus qui signifie en même temps « champignon » et « éponge ».
Définition mycologique

Trois sporophores d'un même champignon.
Parmi les Eucaryotes, les Mycètes ne sont ni des plantes (puisqu'ils n'effectuent pas de photosynthèse) ni des animaux (bien qu'ils soient, comme ces derniers, des Opisthocontes), mais forment un règne à part entière. Autrefois classés avec les algues dans les végétaux « sans rameaux feuillés » : « cryptogames thallophytes non-chlorophylliens », les Mycètes constituent à présent un règne autonome, le cinquième règne ou « règne fongique » (du latin fungus = champignon).
Selon la classification phylogénétique, qui affine encore plus les liens de parenté, ce règne des Fungi est rattaché aux Unikonta, une des deux divisions des Eukaryota, et plus précisément aux Opisthokonta (ce qui signifie qu'ils sont plus proches des animaux, Opisthocontes également, que des plantes, Bikontes) : les champignons ont originellement des cellules avec un flagelle postérieur mais ont perdu ce flagelle à plusieurs reprises au cours de l'évolution.
Comparée à celle des végétaux, la définition de l'organisme fongique est d'abord négative : dépourvus de tiges, de feuilles et de racines. Il est formé d'un appareil végétatif appelé thalle, sans tissus fonctionnels ni organes différenciés, constitué de cellules végétatives allongées et cloisonnées nommées hyphes. Ces hyphes s'associent le plus souvent en mycélium, sorte de feutrage difficile à voir à l'œil nu et le plus souvent impossible à identifier en l'état. Parfois, le thalle est un simple tube sans cloisons ; on parle alors de structure cœnocytique et de siphon.
Leur reproduction est très discrète et d'apparence capricieuse, tantôt asexuée, tantôt sexuée, au moyen de cellules spéciales, les spores. Le champignon ne produisant pas de fleurs, il ne peut être un fruit ou carpophore au sens botanique, aussi l'appareil de « fructification » portant les spores et permettant la reproduction est aujourd'hui désigné par le terme de « sporophore ». La dispersion des spores est assurée par divers mécanismes. La majorité des champignons utilise l'anémochorie (dissémination par le vent). Les autres modes de dissémination sont l'hydrochorie (par les éclaboussures de la pluie), la barochorie (par la seule gravité) et la zoochorie (par les animaux : endozoochorie des limaces, ectozoochorie et endozoochorie des mammifères, des insectes mycophages qui sont attirés par les belles couleurs du chapeau ou les odeurs).
Chez les « champignons supérieurs » (30 000 espèces de macromycètes dont le sporophore est visible à l'œil nu, dont plus de 15 000 espèces connues en France), cet appareil (souvent constitué d'un pied et d'un chapeau et encore appelé champignon dans la langue courante) est particulièrement développé. Le reste du champignon (le mycélium) correspondant à sa forme trophique est souterrain ou dans le cœur du bois ou de l'hôte animal et donc invisible. Les champignons « inférieurs » peuvent aussi produire des sporophores, mais ceux-ci demeurent microscopiques.
La plupart des champignons ont une structure multicellulaire, mais il y a des exceptions notables : ainsi les levures sont unicellulaires.
Définition du règne fongique

Arbre à « bulles », ici stylisé, typique de la systématique évolutionniste. Les Fungi sont un groupe taxonomique qui exclut les myxomycètes (appelés abusivement « champignons-animaux »), les oomycètes et les hyphochytridiomycètes (« champignons-algues »).
Les organismes du règne des Fungi présentent les caractéristiques suivantes :
- Ils sont eucaryotes (organismes possédant des cellules et dont les chromosomes sont enfermés dans un noyau) ;
- Ils sont hétérotrophes vis-à-vis du carbone, qu'ils doivent donc trouver dans leur environnement immédiat. Incapables d'utiliser l'énergie solaire, ils absorbent de nombreuses molécules carbonées fabriquées par d'autres êtres vivants ;
- Ils sont absorbotrophes, se nourrissant par absorption (décomposition) et non par ingestion (caractère animal). Ce mode d'alimentation implique la sécrétion d'enzymes extracellulaires (ces exoenzymes étant des enzymes hydrolytiques libérées par exocytose) assurant une digestion extracellulaire (en) (exodigestion). Dépourvus de racines, tiges et feuilles, leur appareil végétatif, appelé mycélium, est diffus, ramifié et tubulaire, constitué de filaments fins enchevêtrés, les hyphes, à croissance apicale, permettant la nutrition par absorption. Dans la nature, la plupart des plantes ont recours aux mycorhizes, qui est une symbiose entre les racines d'une plante et le mycélium d'un champignon. Les racines de la plante produisent des sucres pour le champignon. Le mycélium procure en retour de l'eau et des sels minéraux inaccessibles aux racines de la plante ;
- comme les animaux, ils sont opistochontes, c'est-à-dire que, comme on peut le voir chez certains champignons primitifs (chytridiomycètes), ils dérivent d'espèces ayant une phase aquatique avec des gamètes à un seul flagelle propulseur (type spermatozoïde). Les groupes modernes sont tous affranchis de la phase aquatique obligatoire et possèdent des spores sans flagelle ;
- l'existence simultanée d'une paroi cellulaire périphérique et de vacuoles turgescentes dans le cytoplasme, rapproche les Fungi des végétaux mais l'absence de chloroplastes en fait, comme les animaux, des organismes hétérotrophes ;
- Ils fabriquent des substances qui leur sont propres. Leur paroi contient des marqueurs taxonomiques : hémicelluloses (callose, α et β-glucanes, mannanes), polyosides aminés (chitosane, chitine voisine de la chitine des insectes, caractère animal, alors que les végétaux possèdent une paroi pectocellulosique). L'ergostérol est la forme majoritaire de stérol retrouvée dans la membrane cellulaire fongique (c'est le cholestérol chez les animaux et les phytostérols chez les végétaux). Le glycogène est le principal polysaccharide, comme chez les animaux. La synthèse de la lysine est réalisée par la voie de l'α-aminoadipate. D'autres substances typiques du règne animal sont retrouvées chez les champignons (mélanine pour durcir les parois fongiques, bufoténine à l'action toxique, etc.). Ils produisent une variété de métabolites secondaires spécifiques associés à d'importants mécanismes de défense et de résistance. Ils émettent notamment des composés organiques volatils qui ont des propriétés antibactérienne, antifongique, insecticide, et qui peuvent être un critère important pour leur identification ;
- Ils n'ont pas de différences sexuelles. Ils sont capables de produire un nombre considérable de spores haploïdes après une dicaryophase plus ou moins longue entre la plasmogamie et la caryogamie. Les mycologues utilisent plutôt le terme de bipolarité sexuelle que celui de sexualité.