NOMENCLATURE ET CLASSIFICATION DES INSECTES

Pourquoi classer et à quoi sert la classification ?

La classification des insectes, par conséquent la nomenclature entomologique et particulièrement les noms scientifiques des insectes ont subi de nombreux arrangements et modifications au fil des décennies.
Le grand public n’est pas familiarisé avec la nomenclature scientifique (des zoologistes ou des botanistes), de plus, la notion de ce qu'est ou de ce que représente "l'espèce" lui est très vague.

Ainsi pour désigner une espèce animale ou une plante, il emploiera généralement les mots : "une espèce de ..." "une sorte de..." ou encore "un genre de..." "Une variété de...", "une race de...".

Ce langage approximatif et donc imprécis montre bien la difficulté qu’il a pour nommer ou appréhender quelques "chose" (animal ou végétal) qui ressemble plus ou moins à quelque "chose" d'autre.

Pour les scientifiques l'Espèce à une signification bien précise ; c'est l’unité (le taxon) de base de la classification systématique.
Bien que le concept de "l'espèce" soit actuellement diversement interprété par la communauté scientifique, son caractère principal est l'interfécondité c'est-à-dire la faculté que possèdent les individus d'une population à se reproduire entre eux et engendrer une descendance viable et féconde, dans des conditions naturelles.

Plus que jamais la précision et la rigueur nous sont imposées, elles permettent une traçabilité, une uniformité de langage et une accessibilité universelle quand les noms de famille, de genre, d'espèce et de sous-espèce sont exprimés en termes scientifiques.
Par ailleurs ces noms donnent accès à une recherche bibliographique précise et juste qu'il serait impossible de réaliser en présence d'indications spécifiques vagues.
Nommer un organisme de façon précise (seul le nom scientifique l'est), y compris dans le domaine agricole, est un préalable indispensable et incontournable à toute recherche, toute expérimentation et toute étude en laboratoire ou sur le terrain.

Pour une meilleure "lecture" du présent texte il nous a paru utile de rappeler ici certaines règles essentielles qui s'appliquent à la nomenclature et à la classification des insectes, ces règles valent aussi pour d'autres organismes que les insectes.

Qu’est ce que la classification ?

La classification des organismes s’appuie sur un système hiérarchisé pyramidal dont le principe est la création d’ensembles et de sous-ensembles constituant des catégories taxinomiques : classes, ordres, familles, genres, espèces, sous-espèces... (Tableau 1).

Chaque ensemble ou sous-ensemble réunit des animaux ou des plantes (ici des insectes) qui possèdent des caractères, généralement morphologiques communs.

Lorsque l’on remonte vers le sommet de la pyramide, le degré de ressemblance entre les groupes concernés diminue (exemple : dans l’embranchement des arthropodes on rencontre aussi bien les crabes, les araignées, les insectes et les milles pattes qui classés dans ce groupe ne se ressemblent pas trop entre eux) alors qu’au contraire lorsque l’on descend vers le bas de la pyramide cette notion de ressemblance augmente (exemple : dans la classe des hexapodes (insectes), l’ordre des diptères (mouches) et des hyménoptères (abeilles) présente une plus grande ressemblance entre eux. Tableau 1 :

POSITION SYSTÉMATIQUE DE LA MOUCHE DOMESTIQUE : Musca (Musca) domestica Linnaeus, 1758

Règne :

Animalia

Sous-Règne :

Eumetazoa

Phylum :

Arthropoda

Sous-Phylum :

Hexapoda

Classe :

Insecta

Sous classe :

Pterygota

Division :

Holometabola

Super-ordre:

Mecopteroidea

Ordre :

Diptera

Sous-ordre :

Cyclorrhapha

Super-famille :

Muscoidea

Famille :

Muscidae

Sous-famille :

Muscinae

Tribu :

Muscini

Genre :

Musca Linnaeus, 1758

Sous-genre :

Musca Zanthiev, 1967

Espèce :

domestica Linnaeus, 1758

Sous-espèces :

Musca domestica domestica Linnaeus, 1758

Musca domestica calleva Walker, 1849

Musca domestica curviforceps Sacca & Rivosecchi, 1957

Sous-genres :

A l'intérieur d'un genre on peut parfois différencier (morphologiquement et parfois géographiquement ou biologiquement) un ou plusieurs groupes d'espèces et quand cela paraît scientifiquement justifié, on attribuera, à chacun de ses groupes, le statut de sous-genre.

Les espèces appartenant à ces sous-genres auront donc, en commun, un certain nombre de caractères propres ou similaires. Exemple : dans le grand genre Otiorhynchus (Coleoptera Curculionidae), qui compte plus de 1000 espèces (et sous-espèces) en Europe, on a définit 78 sous-genres.

Par convention, dans le binôme genre/espèce on intercale le nom sous-genre et celui ci sera mis entre parenthèse, donnant l'écriture suivante : Otiorhynchus (Dorymerus) sulcatus (Fabricius, 1775) ou Otiorhynchus (Cryphiphorus) ligustici (Linnaeus, 1758); l'espèce O. meridionalis n'a pas été retenue dans un sous genre particulier et, par définition, elle appartient au sous-genre Otiorhynchus (sensu stricto) et elle se dénommera ainsi : Otiorhynchus (Otiorhynchus) meridionalis Gyllenhal, 1834.

Sous espèces :

Un groupe d'individus d'une espèce donnée peut se trouver isolé géographiquement, biologiquement ou écologiquement. Ce groupe acquiert, au bout d'un certain temps, des caractéristiques propres (génétiques, morphologiques, biologiques, chromatiques...) qui le différencieront de l'espèce nominale auquel il appartient.

On désigne alors l'ensemble des individus de ce groupe comme appartenant à une sous-espèce différente de l'espèce nominale. Il n'y pas de barrière reproductive entre la ou les sous-espèces et l'espèce nominale d'un même taxon; elles sont donc interfécondes.

Exemple : la chrysomèle du maïs Diabrotica virgifera LeConte, 1858, possède une sous-espèce Diabrotica virgifera zeae Krysan & Smith, 1980.
L'espèce nominale Diabrotica virgifera virgifera et la sous-espèce Diabrotica virgifera zeae ne font pas partie des mêmes annexes sur les liste de quarantaine et en Europe c'est seulement Diabrotica virgifera virgifera qui a été introduit et non pas la sous-espèce zeae.

On voit donc combien la précision en la matière est importante. Quand dans un taxon qui possède une ou plusieurs sous-espèces, on ne fait pas précisément référence à une sous-espèce, on désigne la sous-espèce de référence (ou « sous-espèce type ») en répétant l'épithète terminale du nom d'espèce ce qui donne l'écriture suivante Diabrotica virgifera virgifera LeConte, 1858.

On imagine aisément, au regard de leur nombre (près d'un million d'espèces valides actuellement connues) et de leur diversité morphologique, que la classification des insectes doit être complexe ; c’est la réalité !

Il n’est pas de notre propos de rentrer ici dans les dédales de la systématique entomologique, sachant que cette classification fait, à tous les niveaux, l’objet de remaniements constants avec, entre autres, les apports et éclairages nouveaux donnés par la biologie moléculaire. Il est attribué à certaines catégories de la classification des terminaisons nominales conventionnelles (Tableau 2).

Ainsi toutes les super-familles porteront la terminaison « oidea » (exemple Bostrichoidea pour désigner la super-famille à laquelle appartient la famille des Anobiidae). Les familles porteront la terminaison « idae» (ex. Anobiidae, Dermestidae, Cerambycidae, Curculionidae, …).
Il existe d’autres niveaux taxinomiques (sous-famille, tribu) qui présentent également des terminaisons conventionnelles, mais ces dernières sont peu utilisées dans la pratique et n'ont pas été retenues ici. Tableau 2 :

LES TERMINAISONS NOMINALES CONVENTIONNELLES (ex. la mouche domestique)

Ordre :

Diptera

Super-famille :

Muscoidea

Famille :

Muscidae

Sous-famille :

Muscinae

Tribu :

Muscini

Genre :

Musca Linnaeus, 1758

Espèce :

domestica (Linnaeus, 1758)

Parlons et écrivons juste : l’intérêt d’une nomenclature universelle

Le "Grand Livre" de la connaissance des Insectes s’enrichit chaque jour de quelques centaines de pages et plus de 3.200.000 travaux ont été publiés sur ces arthropodes, depuis le début du 18ème siècle. Il convient donc, pour désigner les espèces, d'avoir un langage universel aussi précis que possible tenant compte aussi des avancées de la systématique Les quelques lignes qui suivent informeront le lecteur des fondements de la nomenclature zoologique.

L'écriture des noms d'espèces :

L’attribution du nom des insectes doit répondre aux strictes exigences du Code International de Nomenclature Zoologique. Rappelons que l’unité de base de la classification est l’espèce.

On la doit au célèbre entomologiste suédois Carl Linnaeus qui a établit que chaque espèce animale ou végétale est désignée par un binôme (dérivé du latin ou du grec) combinant le nom de genre suivi du nom de l’espèce (on l'appelle système Linnéen).
Ce binôme est complété par le nom (ou les noms) du descripteur (auteur, découvreur, inventeur) de l’espèce.

Ainsi, la mouche domestique est scientifiquement désignée par le binôme complet ci dessous : Musca (groupe genre) domestica (groupe espèce) Linnaeus, 1758 (auteur, descripteur, découvreur, inventeur, suivie de la date de la description originale).
Pour nommer scientifiquement la mouche domestique on écrira donc Musca domestica Linnaeus, 1758. Le nom de chaque taxon est attaché de manière indissoluble à un "type nomenclatural" (Holotype, paratype...), l'équivalent d’une référence ou d'un étalon mètre en quelque sorte, qui est un (ou plusieurs) spécimens déposés dans une collection publique (Muséum) ou privée.

Par convention, les noms de genres, d'espèces et de sous-espèces doivent être écrit en italique, les noms des auteurs en romain.  Seuls les noms de Linnaeus (ou Linné) et Fabricius peuvent être abrégés, respectivement par les lettres L. et F., mais il est préférable de les écrire en entier; c'est ce qui a été fait dans ce texte.

Quand on fait référence à une espèce non déterminée (non identifiée) mais dont le genre est connu, il est d’usage d’utiliser les abréviations de sp. (Singulier) ou spp. (Pluriel), immédiatement à la suite du nom de genre.
De même, « sous-espèce » est abrégée en ssp. (Au singulier) et en sspp. Au pluriel. Ces abréviations doivent, à l'inverse des noms de genres et d'espèces, êtres écrites en caractères romains.

L'usage des parenthèses dans les combinaisons changées

Nota : Les combinaisons inchangées ne portent pas de parenthèses. Si un nom du groupe espèce est combiné avec un nom du groupe genre autre que le nom générique d'origine, le nom de l'auteur du groupe espèce doit être placé entre parenthèses.
Prenons comme exemple la blatte américaine Periplaneta americana : Cette espèce a été décrite par Linnaeus en 1758 sous le nom Blatta americana, plus tard l'espèce fut à juste titre placée dans le genre Periplaneta, ainsi le nom du descripteur de l'espèce sera placé entre parenthèse et l'écriture correcte du nom de cette blatte est Blatta americana (Linnaeus, 1758).

Il arrive que le binôme ait changé de nom (une ou plusieurs fois), en particulier au niveau du groupe genre.

Cela a été le cas pour des dizaines de milliers d’espèces d’insectes et nous prendrons comme exemple celui de la vrillette du pain (Stegobium paniceum). Cette espèce a été originellement décrite sous le nom de Dermestes paniceum par Linnaeus en 1758. A cette époque, beaucoup de Coléoptères Dermestidae (et même ceux appartenant maintenant à d’autres familles) étaient décrit dans le genre Dermestes.

Les recherches en systématique conduites par la suite ont montré que le genre Dermestes regroupait des espèces qui méritaient d’êtres transférées dans d’autres familles ou genres (existants ou nouveaux).
C’est ainsi que Dermestes paniceum Linnaeus, 1758 est devenu d’abord Anobium (Artobium) paniceum (Linnaeus, 1758) puis plus tard Sitodrepa panicea (Linnaeus, 1758) et enfin Stegobium paniceum (Linnaeus, 1758) (genre actuel et nom actuel valide de l’espèce).

Comme nous l'avons mentionné plus haut et afin d'éviter des confusions possibles, dans tout document publié il est recommandé, ou impératif selon les cas, que le binôme genre/espèce soit suivi du nom du descripteur de l'espèce (ont dit aussi : auteur, découvreur, inventeur); par ailleurs, selon la teneur du document où figurera ce nom on le fera suivre (ou non) de la date de l'année de description.

Rappelons qu'en règle générale les noms scientifiques de genre et d'espèces s'écrivent en italique. La première lettre du nom de genre portera toujours une majuscule alors que la première lettre du nom d'espèce s'écrira toujours en minuscule.
Par ailleurs tous les noms scientifiques (depuis la sous espèce jusqu'à l'ordre et au delà) ne portent jamais d'accent de tréma ou autres sigles orthographiques.

Noms synonymes :

En zoologie on parle de synonymes quand plus d'un seul nom scientifique s'applique au même taxon (espèce).
Tous les noms de ce taxon (le nom valide inclus) sont des synonymes.

  • Explication : 

Une même espèce a été décrite par 2 entomologistes (ou plus) différents, le second (ou les autres) n'ayant pas connaissance des travaux du premier. Ce cas, très fréquent autrefois, pour des raisons de diffusion et d'accessibilité des publications, concerne des centaines de milliers d'espèces; ainsi, certaines espèces ont à elles seules plus de 140 synonymes.

On comprend mieux pourquoi près de 3 millions d'espèces d'insectes ont été décrites alors qu'en réalité à peine un million d'entre elles sont des espèces valides (on les appelle aussi "bonnes espèces").

C'est la communauté scientifique, en l'occurrence les spécialistes qui "mettent en synonymie" des espèces quand cela est justifié. On utilise alors la règle de priorité.

En principe, seul le premier nom disponible, le synonyme le plus ancien (senior synonyme), sera reconnu comme le nom scientifique officiel (nom. val.), l'autre, le synonyme plus récent ("junior synonyme") sera considéré comme un nom invalide et l'espèce portant ce nom sera invalide ou non valide.

Exemple pour l’Anobium punctatum (De Geer 1774) = Senior synonyme : Nom valide L’Anobium striatum Olivier 1790 = Junior synonyme : Nom invalide Le Code de Nomenclature Zoologique mentionne bien d'autres cas et diverses mesures de conservation qui s'appliquent aux synonymes nomenclaturaux mais il n'est pas nécessaire ici de les rappeler.

Sur le même principe et pour les mêmes raisons que pour les espèces ces synonymes peuvent affecter les familles et le plus souvent les genres (par exemple le nom générique de Ptinus est un junior synonyme du nom Anobium) ainsi la petite vrillette (coléoptère Anobiidae) connue autrefois sous le nom de Ptinus punctatum, est maintenant dénommée Anobium punctatum.

Bien que beaucoup d'espèces aient des synonymes taxinomiques certaines n'en possèdent pas.
En outre certains synonymes d'espèces ont été utilisés dans des écrits d'entomologie appliquée et d'autres jamais.

Nous avons indiqué ici, pour chacune des espèces valides, seulement les synonymes ayant, au moins une fois, été utilisés dans des publications d'entomologie agricole ou appliquée.

Lors de recherches bibliographiques il est recommandé de rechercher pour chaque espèce les références en utilisant non seulement le nom valide de celle-ci, mais également les noms synonymes juniors (de genre et/ou d'espèce.

Par exemple lors d'une recherche bibliographique sur la petite vrillette (Anobium punctatum) il conviendra pour faire une recherche exhaustive de chercher les références en utilisant les combinaisons nominales suivantes : Anobium striatum, Birrhus domesticus, Ptinus punctatum, Anobium ruficolle, Anobium ruficorne.

Nota : les familles peuvent parfois changer de position taxonomique, par exemple les Ptinidae sont inclus dorénavant dans la famille des Anobiidae et occupent la position de sous-famille.

Noms vernaculaires ou noms communs :

Le nom vernaculaire est le nom usuel qui désigne un animal ou une plante.

Alors qu'il existe un seul nom scientifique valide pour chaque taxon (genre espèce), un même taxon peut avoir un ou plusieurs noms vernaculaires (ont dit aussi nom commun, nom vulgaire, nom populaire ou nom d'usage).
Ce nom vernaculaire est parfois la simple traduction littérale du nom scientifique (1*) mais le plus souvent il est éloigné de celle-ci (2*).

Les noms vernaculaires s'appliquent en général aux espèces les plus communes et les plus facilement reconnaissables (papillons de jour, gros coléoptères...) ainsi qu'à beaucoup d'espèces d'intérêts agronomique ou économique...

Il faut savoir cependant, qu'en France, la majorité des insectes ne possèdent pas de noms vernaculaires et que le nom vernaculaire est souvent très vague ne permettant pas toujours de distinguer de façon précise les espèces. Parfois un même nom vernaculaire désigne l'ensemble des espèces d'une famille ou à d'un genre (3*).

Selon les pays ces noms communs sont plus ou moins précis; au Canada par exemple les noms vernaculaires sont largement utilisés, par les agronomes et les forestiers et sont généralement assez précis.

Il existe bien des endroits (en région tropicales particulièrement) où les noms vernaculaires sont les seuls noms utilisables par les populations locales, surtout pour désigner les plantes mais aussi les insectes les plus courants.

Les noms vernaculaires mentionnés ici sont ceux que nous avons relevés dans la littérature agronomique et appliquée.
Ceux précédés d'un astérisque ont été le plus fréquemment utilisés. Bien entendu, on choisira le nom scientifique comme mot clé lors de toutes recherches bibliographiques précises.

(1*) Lyctus brunneus et Lyctus linearis désignent le Lycte brun et le Lycte ligné (Coleoptera Lyctidae), Blatta orientalis désigne la Blatte orientale (Dictyoptera Blattidae), Necrobia rufipes désigne la Nécrobie à pattes rouges (Coleoptera Cleridae)

(2*) Le Bostryche ou capucin des grains (Coleoptera Bostrychidae) se nomme Rhyzopertha dominica (Fabricius, 1792).La vrillette brune (Coleoptera Anobiidae) se nomme Oligomerus ptilinoides (Wollaston, 1854)

(3*) le nom de "vrillettes" désigne tous les espèces de la famille des Anobiidae et le nom commun Dermeste désigne beaucoup de Coléoptères de la famille des Dermestitidae et ceux notamment appartenant aux genres Dermestes, Attagenus et Anthrenus).

 

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