LES BRYOPHYTES

Les Bryophytes : une impasse dans l'évolution

Avec les Bryophytes, une étape critique dans l'évolution au sein de la lignée végétale – la conquête des espaces terrestres – est franchie. Celle-ci implique, obligatoirement, la mise en place de mécanismes diversifiés, déjà évoqués, pour éviter le dessèchement de l'organisme. Une réminiscence de la vie aquatique des ancêtres dont sont issues les plantes – les algues vertes – persiste néanmoins avec la nécessité pour le gamète mâle de se mouvoir dans un milieu liquide pour atteindre l'oosphère. Se développer sur des terres émergées présente cependant des avantages déterminants pour des organismes autotrophes phototrophes tels que l'accès plus aisé à la lumière et aux composants gazeux de l'atmosphère CO2 et O2.

Les Bryophytes constituent le groupe le plus primitif des Embryophytes. En fait, si elles produisent effectivement une structure de type embryonnaire au cours de leur cycle de développement, elles ne forment jamais de cormus vrai. Leur appareil végétatif ne possède pas de racines mais différencie des rhizoïdes. La partie aérienne, quoique relativement complexe et constituée, dans certains cas, d'un axe pourvu d'organes foliacés, ne peut jamais être assimilée à une tige portant des feuilles, tant sa structure anatomique est différente de celle des groupes plus évolués.

Les Bryophytes comprennent plusieurs classes (rassemblant près de 20.000 espèces), les trois principales étant les mousses (Bryophytes vrais), les hépatiques et les anthocérotes. Elles ont en commun différents caractères qui justifie leur maintien actuel dans un même embranchement.

(1) Elles sont toutes de dimension modeste. L'absence de système vasculaire développé ne leur permet pas de s'élever dans l'atmosphère et donc d'affronter un environnement où l'humidité ambiante est réduite. Les Bryophytes restent généralement dépendantes d'habitats frais ou même franchement humides. Certaines espèces peuvent toutefois tolérer des climats relativement secs où la disponibilité en eau est réduite; elles possèdent notamment la capacité de capter directement l'humidité de l'atmosphère et de résister au dessèchement. D'autres Bryophytes acceptent des périodes prolongées de froid intense et survivent donc en Antarctique. Enfin, quelques espèces aquatiques subsistent ; elles ne sont jamais marines.

(2) La prédominance du gamétophyte (phase haploïde) sur le sporophyte (phase diploïde) est absolue. Ce caractère est unique parmi les embryophytes et peut être considéré comme une voie sans issue puisqu'il ne sera pas maintenu dans l'évolution ultérieure. L'appareil végétatif des Bryophytes (c'est-à-dire la plante que l'on voit) représente donc le gamétophyte, c'est au niveau de sa morphologie que l'on relève les principales différences entre les groupes de Bryophytes. Le sporophyte, toujours parasite du gamétophyte, a un développement limité et réalise rapidement la méiose dont sont issues les spores qui donneront naissance à de nouveaux gamétophytes.

A. L'appareil végétatif des bryophytes

La gamétophase étant dominante, ce sont donc les caractères du gamétophyte qui sont décrits ci-après.

A.1. Organographie

Le gamétophyte (phase haploïde) se présente :

  • soit sous forme d'un thalle chez les hépatiques à thalles (Figure 10.1).

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Figure 10.1 - Gamétophyte d'une hépatique à thalles
 

Dans ce premier cas, le gamétophyte se présente sous la forme d'une lame foliacée, pluriassisiale, parfois pourvue de fausses nervures se ramifiant de façon dichotomique, fixée au substrat par des rhizoïdes unicellulaires et simples.

  • soit sous la forme d'un pseudocormus chez les mousses (Figure 10.2) et chez les hépatiques à "tige feuillée". https://www.biologievegetale.be/img/fig10_2.gif

Figure 10.2 - Gamétophyte d'une mousse vraie (pseudocormus)

Dans ce second cas, le gamétophyte comprend un axe, dressé ou couché, portant des appendices feuillés formés d'une ou de plusieurs assises cellulaires avec une fausse nervure comprenant un cordon conducteur plus ou moins différencié.

La structure simplifiée de ces organes ne permet pas de les assimiler directement à ceux des plantes supérieures, c'est pourquoi on leur donne les noms de "phyllidies" (et non de feuilles) et de "caulidies" (au lieu de tiges); celles-ci sont fixées au substrat par des rhizoïdes multicellulaires et ramifiés (et non par des racines).

La croissance des caulidies est assurée par une cellule apicale unique, habituellement tétraédrique, qui se divise parallèlement à l'axe de chacune de ses trois faces internes, de manière à fournir le matériel cellulaire nécessaire à l'élaboration de l'axe et de ses appendices (Figure 10.3).

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Structure de l'apex

Les rhizoïdes, constitués d'une rangée de cellules chez les mousses et unicellulaires chez les hépatiques et les anthocérotes, assurent la fixation de l'organisme au substrat mais n'ont pas de rôle dans l'absorption de l'eau et des éléments inorganiques.

A.2. Caractères cytologiques

Les cellules des Bryophytes possèdent les caractères habituels des cellules de plantes. La paroi cellulaire est constituée de cellulose, de pectine et d'hémicellulose. Elle est percée de plasmodesmes.

Le noyau est de type eucaryotique et lors de la division cellulaire, sa membrane disparaît et un phragmoplaste est mis en place durant la cytocinèse.

Les chloroplastes à grana bien développés contiennent des chlorophylles a et b et des caroténoïdes; ils accumulent l'amidon comme substance de réserve.

Chez les anthocérotes, les chloroplastes peuvent encore être pourvus de pyrénoïdes (formés d'un empilement de lamelles protéiques) révélant les affinités des Bryophytes avec les chlorophytes (algues vertes).

A.3. Caractères histologiques et anatomiques

Les Bryophytes possèdent des tissus vrais nettement plus différenciés que les algues (Figure 11.1).

Bien que dépourvues de système vasculaire au sens strict (xylème et phloème), certaines Bryophytes possèdent des tissus conducteurs non lignifiés, aussi bien dans les organes foliacés que dans les axes caulinaires ou dans les thalles. Ils sont constitués de cellules allongées à paroi inégalement épaissies, pouvant ménager des zones plus minces qui les ponctuent ou, parfois, de véritables pores.
Le noyau et le cytoplasme de ces cellules dégénèrent et disparaissent mais leurs parois transversales sont maintenues, évoquant les trachéides des plantes vasculaires telles que les Gymnospermes.

Chez les Polytrics, des cellules spécialisées dans la conduction de l'eau (hydroïdes) forment un cyclindre central. Elles sont entourées d'un manchon ou de cordons de cellules évoquant les cellules criblées des Fougères. Ces cellules (leptoïdes) constituent un véritable phloème chez certaines espèces. De véritables parenchymes à fonctions spécialisées se différencient. Ainsi les appendices foliacés de certaines espèces contiennent un tissu assimilateur organisé à la manière d'un parenchyme chlorophyllien.

Les organes sont limités par une assise cellulaire épidermique à fonction protectrice. Celle-ci est couverte d'une cuticule limitant la perte d'eau par transpiration.

Des perforations, simples pores dont l'ouverture n'est pas régulée physiologiquement, permettent les échanges gazeux entre l'atmosphère et les tissus internes de l'organisme. Ces pores se ferment passivement lorsque les tissus se déshydratent et se contractent. Les sporophytes de quelques Mousses différencient de véritables stomates.

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 Cellules spécialisées des Polytrics

A.4. La multiplication végétative

Chez les Bryophytes, la multiplication végétative est un mode de reproduction commun qui favorise une occupation rapide des sols nus ou remaniés, livrés à la colonisation. Elle s'effectue de diverses manières.

(1) Le gamétophyte se fragmente lorsque ses parties les plus âgées sont détruites ou meurent : la désorganisation du protonéma entraîne l'isolement des caulidies auxquelles il a donné naissance.

(2) Les caulidies produisent au contact du sol des protonémas secondaires susceptibles de bourgeonner et de régénérer de nouvelles caulidies. En fait, n'importe quelle partie du gamétophyte ou du sporophyte peut proliférer en un protonéma. Dans le cas où la prolifération s'effectue à partir d'un sporophyte, un protonéma diploïde et ultérieurement un gamétophyte diploïde peuvent dont être produits (et, après fécondation, un sporophyte tétraploïde se développera). Ce n'est donc pas la nature haploïde ou diploïde qui détermine la nature des tissus.

(3) Des organes de multiplication végétative spécialisés, les propagules, peuvent être formés (Figures 11.2 et 11.3, Photo 1). Il s'agit soit de cellules isolées, soit de petits massifs cellulaires d'aspects variés qui se différencient à la marge ou à l'extrémité des feuilles, au sommet des axes ou sur le thalle. Les propagules sont dans certains cas produites dans des organes particuliers, telles les "corbeilles à propagules" typiques de mousses comme Tetraphis ou d'hépatiques comme Lunularia ou Marchantia.

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Multiplication végétative par propagules

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 Corbeille à propagules de Lunularia

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Figure 11.3 - Corbeilles à propagules

B. Le cycle de développement des Bryophytes

Le cycle de développement des Bryophytes est digénétique haplodiplophasique avec dominance du gamétophyte. Nous examinerons successivement le cas des mousses et celui des hépatiques, bien qu'il n'y ait pas de différences majeures dans le déroulement des cycles de développement de ces deux types de plantes.

B.1.Les mousses (exemple du Polytric commun)

1. Le gamétophyte et la reproduction sexuée

Le gamétophyte est issu de la méiospore haploïde. Celle-ci germe lorsque les conditions d'environnement sont favorables en produisant un réseau de filaments qui se ramifient abondamment et se différencient en deux types cellulaires distincts :

(1) un protonéma chlorophyllien à la surface du substrat qui évoque une algue verte dont les cloisons transversales seraient obliques et

(2) des rhizoïdes, avec peu ou pas de chloroplastes, qui s'enfoncent dans le substrat.

De place en place, le protonéma chlorophyllien produit, par recloisonnements, un bourgeon qui donnera naissance à un axe feuillé de 10 à 15 cm de haut, fixé au substrat par de nombreux rhizoïdes formant parfois un manchon feutré dense.

L'anatomie de la tige feuillée est simple (Figure 12.1). En coupe transversale on observe un épiderme sans stomates, un manchon cortical de cellules parenchymateuses plus ou moins allongées selon le grand axe et représentant un faisceau conducteur élémentaire.

Celui-ci assure une certaine circulation de l'eau mais a surtout un rôle de soutien car l'essentiel de l'irrigation de la tige feuillée se réalise par un processus de capillarité, possible grâce à l'étroit agencement des phyllidies sur l'axe.

Les phyllidies sont finement dentées et portent à leur surface, du sommet à la base, des lamelles uniassisiales dressées de 5 à 10 cellules de haut. Le cordon conducteur des phyllidies est normalement composé d'hydroïdes et de leptoïdes.

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Figure 12.1 - Anatomie de la tige feuillée chez le Polytric commun

Pour des raisons qui restent à définir, une collerette de phyllidies parfois vivement colorées se forme au sommet des caulidies et, en son centre, apparaissent les gamétanges mâles ou anthéridies et les gamétanges femelles ou archégones, soit sur un même pied (bisexué), soit sur des pieds différents (unisexués). Les gamétanges sont généralement séparés les uns des autres par des organes effilés stériles, les paraphyses (Photo 2), qui jouent un rôle protecteur contre la dessiccation en favorisant la rétention d'eau par capillarité.

L'anthéridie (Photo 2, Figure 12.2), brièvement pédicellée, est plus ou moins fusiforme et limitée par une paroi formée d'une seule assise cellulaire. Elle renferme un massif de cellules qui se transforment chacune en un anthérozoïde (gamète mâle) filiforme et plus ou moins spiralé, muni de deux flagelles. A maturité, l'anthéridie s'ouvre au sommet par gélification permettant la libération des anthérozoïdes qui, grâce à leurs flagelles, se déplacent dans le film d'eau qui recouvre les pieds de mousse.

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Photo 2 - Anthéridies entourées de paraphyses à l'extrémité d'une caulidie

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Cycle de développement du polytric commun. Structure des gamétanges mâles : les anthéridies

L'archégone (Figure 12.3), limité lui aussi par une paroi uniassisiale, revêt la forme d'une bouteille à col allongé dont la partie centrale, le canalicule, est obturée par une file de cellules dites "de canal". A maturité, celles-ci dégénèrent en formant un mucilage qui gonfle en présence d'eau, provoquant l'ouverture du col et libérant l'accès pour les gamètes mâles. Au fond de l'archégone, se différencie une cellule volumineuse : le gamète femelle ou oosphère.

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Cycle de développement du Polytric commun. Structure des gamétanges femelles : les archégones

La fécondation se réalise lorsque les tiges feuillées sont imbibées d'eau dans laquelle se meuvent les anthérozoïdes. Ceux-ci, attirés par le mucilage du col, atteignent l'oosphère par le canal de l'archégone.

2. Le sporophyte et la reproduction agame

L'œuf fécondé se cloisonne en un massif cylindrique. Vers le bas, il forme un "pied" qui s'enfonce dans le sommet de la caulidie et s'y fixe fermement. Vers le haut, il s'allonge en une sorte de hampe filiforme qui deviendra la soie (Figure 13.1). Sous l'effet de cette élongation, l'extrémité déchire le sommet et le col de l'archégone qui, continuant leur croissance, forment une sorte de coiffe protégeant le sporange en formation.

En effet, l'extrémité distale de la soie se renfle et s'organise pour devenir un sporange (= capsule ou sporogone). A maturité, le sporange, dont la croissance s'est faite aux dépens du parenchyme lacuneux, est devenu un "sac" traversé par la columelle persistante.<:p>

La coiffe tombe, un opercule apical se détache au niveau d'une fente annulaire de déhiscence et le sporange s'ouvre en découpant une dernière paroi protectrice en une couronne de dents, le péristome (parfois accompagné d'un Epiphragme e.a. chez le Polytric), qui peuvent se rabattre ou se redresser selon l'état hygrométrique de l'air ; souvent la soie s'infléchit et les spores sont libérées et disséminées.

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Cycle de développement du Polytric commun. Germination des spores en protonéma, cycle et structure du sporophyte

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 Sporophytes du polytric avec et sans coiffes

En coupe transversale, un sporange jeune (Figure 13.2) présente successivement, de l'extérieur vers l'intérieur :

  • une assise externe qui constitue un épiderme percé de stomates plus ou moins rudimentaires,
  • un parenchyme lacuneux, chlorophyllien même en profondeur, interrompu par des lacunes en files axiales,
  • un tissu dense qui forme un manchon d'archéspores,
  • un cylindre axial massif, gorgé d'eau, qui constitue la columelle.

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13.2 - Structure du sporange du Polytric commun

La sporogenèse se déroule selon le processus indiqué à la Figure 4

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3. Le cycle de développement complet du Polytric (Figure 13.3)

Le cycle montre la succession des deux formes : le gamétophyte constitué par le protonéma et les axes feuillés et le sporophyte constitué du sporogone qui se développe en restant fixé sur le gamétophyte. Le gamétophyte représente la phase haploïde et le sporophyte représente la phase diploïde.

B.2. Les hépatiques (exemple du Marchantia polymorpha)

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Photo 4 - Marchantia polymorpha avec corbeilles à propagules

1. Le gamétophyte et la reproduction sexuée (Figure 14.1)

Les méiospores germent pour donner un protonéma haploïde très court à partir duquel une lame verte foliacée, appliquée sur le substrat, prend rapidement naissance. Le gamétophyte adulte peut être considéré comme un thalle. Il est édifié par quelques cellules méristématiques situées dans l'échancrure apicale du thalle (et non par une cellule apicale unique comme chez le Polytric) et se ramifie de façon dichotomique. Sa face supérieure est marquée de losanges réguliers percés chacun d'un pore central limité par des cellules de garde. Celles-ci forment une espèce de tonnelet de hauteur supérieure à l'épaisseur de l'épiderme : il déborde donc celui-ci au-dessus et en dessous. Sous l'épiderme se trouvent des chambres aérifères, chacune d'elles correspondant à un des losanges repérés de l'extérieur. Ces chambres sont délimitées par des cloisons verticales de 3 à 4 cellules riches en chloroplastes. Chacune de ces chambres représente ainsi une cavité assimilatrice. Sous le plancher des cavités assimilatrices, le parenchyme à grandes cellules est un parenchyme de réserve avec cellules oléagineuses et mucilagineuses.

Le thalle est encore parcouru par une fausse nervure médiane visible en surface et formée de cellules allongées selon le grand axe de l'organe.

La face inférieure du thalle est pourvue de rhizoïdes et d'écailles imbriquées sur deux rangs, une de chaque côté de la nervure. Ces écailles peuvent être interprétées comme représentant des appendices foliaires réduits.

Durant la bonne saison, les thalles en croissance produisent des rameaux spécialisés, dressés (+/- 3 cm de haut), insérés dans le prolongement direct de la nervure, au point où fonctionnait le méristème : ce sont les gamétangiophores (Photo 5).

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Photo 5 - Marchantia polymorpha avec des gamétangiophores femelles

Les rameaux produits par certains thalles - qui s'avéreront être des thalles mâles - portent, au sommet d'un axe, un plateau lobé dont l'anatomie est identique à celle du thalle. Néanmoins, entre les chambres aérifères, se différencient des anthéridies enfoncées dans des cavités ovoïdes formées par des replis de l'épiderme; ces cavités s'ouvrent par un petit canal à la face supérieure. L'éclatement des anthéridies libère les anthérozoïdes qui sont projetés sur le plateau dans un film d'eau.

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Le cycle de développement du Marchantia : gamétophyte et reproduction sexuée (la partie droite en grisée reprend le sporophyte et la reproduction agame, détaillée ci-après)

Les rameaux spécialisés produits par les thalles femelles ont une structure analogue à celle des rameaux mâles. Ils se distinguent cependant par leurs lobes plus profondément échancrés, généralement au nombre de 9. Les archégones, au nombre de 12 à 16 et de structure fort semblable à celle des archégones de polytric, sont initiés entre les lobes de manière centripète, c'est-à-dire que les premiers à être formés se situent le plus loin de l'axe de l'archégoniophore et les suivants en sont de plus en plus près. Ils sont protégés par un involucre (sorte de collerette) tendu entre deux lobes contigus. Le col des archégones est haut de 13 cellules ; le canal n'en possède que quatre.

La fécondation a lieu par temps humide, avant l'élongation complète du rameau spécialisé. Elle se produit grâce au film d'eau qui recouvre les thalles.

L'œuf fécondé (zygote) se développe à l'intérieur de l'archégone dont les parois se modifient pour abriter le jeune sporophyte en croissance.

2. Le sporophyte et la reproduction agame

Le sporophyte est nettement réduit par rapport à celui des mousses. La soie - l'axe portant le sporange - reste très courte et ce n'est que peu avant la maturité que le sporange est poussé en avant et déchire le sommet de l'archégone accrescent. Le sporange ne possède ni columelle, ni coiffe, ni péristome. Il s'ouvre par 4 à 6 valves qui sont des déchirures de la paroi plutôt que des fentes de déhiscence.

Les spores sont accompagnées de structures sensibles à l'hygrométrie qui facilitent leur dispersion et la dissémination : les élatères. Celles-ci se différencient avant la formation des archéspores par division au sein des tissus du sporange. Elles seraient également impliquées dans la poussée qui fait éclater le sporange.

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Le cycle de développement du Marchantia : sporophyte et reproduction agame

 

 

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Le cycle de développement du Polytric, mousse dioïque
 

B.3. Les traits essentiels du cycle de développement des Bryophytes

(1) Le cycle des Bryophytes est digénétique haplodiplophasique

(2) Il y a hétéromorphisme des générations :

  • le sporophyte réduit, demeure toujours fixé au gamétophyte qu'en quelque sorte, il parasite;
  • le gamétophyte est indépendant et peut se succéder à lui-même par simple multiplication végétative. Il en résulte une série de générations gamétophytiques, parfois très longue, sans apparition de sporophytes.

(3) Le gamétophyte est dominant : il est l'organisme pérennant caractéristique de la plante. Ce caractère est unique parmi les cormophytes terrestres et aucun groupe plus évolué ne fera de tentative dans cette direction. C'est dans cette perspective que le cycle de développement des Bryophytes peut être perçu comme une impasse dans l'évolution.

Entre Bryophytes et Ptéridophytes - qui pourtant présentent un début de développement gamétophytique comparable, avec un protonéma filamenteux - il n'y a aucune forme de transition connue. Il y aurait donc eu, à partir d'une souche commune, une divergence très précoce au cours de l'évolution entraînant l'émergence de 2 branches distinctes donnant naissance, pour l'une d'entre elles, aux Bryophytes et, pour la seconde, à l'ensemble des autres Cormophytes.

C. La diversité au sein des Bryophytes

Les Bryophytes sont regroupées en 3 phylums :

C.1. Les Hépatophytes

Elles comprennent 2 classes :

  • les hépatiques à thalle complexe (16 familles, 32 genres, environ 500 espèces)
  • les hépatiques à feuilles et à thalle simple (ruban de tissu indifférencié) (56 familles, environ 310 genres, environ 7500 espèces)

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Photo 6 - Exemple d'hépatique à thalle simple avec sporophyte

C.2. Les Anthocérophytes

Elles se répartissent entre 2 familles et 6 genres et comprennent environ 330 espèces.

C.3. Les Bryophytes

Elles rassemblent environ 12.000 espèces réparties en environ 700 genres, 99 familles et 3 classes :

  • les Sphagnidae (ou mousse à tourbe, 1 genre)
  • les Andreaeidae (ou mousse des granits, 2(3?) genres)
  • les Bryidae (souvent appelées les vraies mousses) comprennent la majorité des espèces de Bryophytes.

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 Exemple de bryophyte (Bryidae) avec sporophytes

D. L'évolution des Bryophytes

L'avènement des plantes terrestres, il y a environ 480 millions d'années, est un des événements majeurs de l'histoire de notre planète ; il a entraîné d'importants changements de l'environnement terrestre tels que la réduction de la concentration atmosphérique du CO2 et, son corollaire, un abaissement de la température.

On connaît peu de fossiles de Bryophytes, vraisemblablement en raison de la nature même de leurs tissus peu résistants. Par ailleurs, quasi jamais, le sporophyte n'a été retrouvé associé au gamétophyte.

L'hépatique la plus ancienne remonterait au Dévonien (360 à 408 millions d'années) et d'autres plantes se rapprochant des hépatiques sont présentes à partir du Carbonifère (286 à 360 millions d'années).

La divergence entre Bryophytes et plantes vasculaires se serait produite il y a environ 430 millions d'années.

L'évolution au sein des Bryophytes et la séquence selon laquelle les différents groupes ont divergé restent matière à débat. Différentes approches phylogénétiques ont identifié chacune des trois classes comme étant la première à avoir colonisé les terres. De récentes études moléculaires suggèrent cependant que les hépatiques constituent le premier groupe de plantes terrestres. Certains considèrent que les mousses sont les plus proches des plantes vasculaires mais cette vue n'est pas partagée par tous : l'analyse des séquences d'ARN ribosomal suggérerait que ce sont les hépatiques à thalle qui se rapprochent le plus des embranchements de plantes plus évoluées.

La poursuite des recherches paléontologiques et des études moléculaires devront apporter une réponse aux nombreuses questions qui restent posées.

 E. Les caractères des différents groupes de Bryophytes

Sous-Embr.

Gamétophyte

Sporophyte

Hépatophytes

  • Dominant et indépendant
  • Thalloïde ou feuillé
  • Pas de stomates mais pores chez certaines hépatiques à thalle
  • Rhizoïdes unicellulaires
  • Généralement, cellules à plusieurs chloroplastes
  • Propagules fréquentes
  • Chez certaines, protonéma
  • Méristème apical
  • Petit et dépendant du gamétophyte
  • Non ramifié, limité à un sporange dans certains genres ; à un pied, une courte soie et un sporange chez d'autres
  • Pas de stomates

Anthocérophytes

  • Dominant et indépendant
  • Thalloïde arrondi
  • Rhizoïdes unicellulaires
  • Généralement, cellules à un chloroplaste avec pyrénoïde
  • Structures de type stomate (seul cas sur le gamétophyte), non fonctionnelles
  • Unisexué ou bisexué
  • Petit et dépendant du gamétophyte
  • Non ramifié, composé d'un pied et d'un sporange cylindrique allongé
  • Méristème entre le pied et le sporange
  • Cuticule, stomates
  • Pas de tissu conducteur. Peut survivre longtemps après dissémination des spores (semi-indépendant)

Bryophytes

  • Dominant et indépendant
  • Feuillé
  • Rhizoïdes pluricellulaires
  • Généralement, cellules à plusieurs chloroplastes
  • Propagules fréquentes
  • Protonéma
  • Méristème apical (temporairement marginal chez les Sphagnidae)
  • Leptoïdes et hydroïdes non lignifiées dans certains genres
  • Petit et dépendant du gamétophyte
  • Non ramifié, composé d'un pied, d'une longue soie et d'un sporange chez les Bryidae
  • Stomates
  • Leptoïdes et hydroïdes non lignifiées dans certains

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 19/12/2019

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