BOCAGE

On appelle bocage une région rurale où les champs cultivés et les prés sont enclos par des levées de terre ou talus portant des haies et taillis, et des alignements plus ou moins continus d'arbres et arbustes sauvages ou fruitiers. Cette végétation haute de 1 à 20 mètres marque généralement les limites de parcelles qui sont de tailles inégales et de formes différentes. L'habitat bocager y est souvent dispersé sous formes de fermes et de hameaux. Des formes bocagères se sont développées sous différentes latitudes et époques.

Historiquement, si des formes de bocage ont pu apparaître dès l'époque antique, le bocage tel qu'on le connaît en Europe de l'Ouest s'est mis en place à la suite des phases de défrichements du Moyen Âge pour la création de cultures en joualles, l'établissement de vergers-potagers de monastères et la formation de jardins de "simples" et herbes à pot d'abbayes. La mise en place du paysage bocager s'est achevée aux époques suivantes et jusqu'au XVIIIe siècle pour quelques régions. À son apogée, le bocage occupait une large part de la façade atlantique européenne et était également présent à l'intérieur de certaines terres. C’est au début du XXe siècle que le bocage a fortement régressé dans toute l'Europe.

De nos jours, le bocage est encore présent de manière notable en Autriche, Belgique (dans le Pays de Herve), Italie, dans le Nord-Ouest du Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal. En France, il est existant dans le Grand ouest (dans certaines parties de la Normandie, de la Bretagne, du Maine et de la Vendée), et aussi dans le centre (Berry, Creuse, Massif central) la Bourgogne (Morvan) et même dans le Nord de la France (Avesnois, Boulonnais, Vimeu).

Lorsque le bocage est reconstitué ou de création récente, il est rendu compatible avec l'agriculture intensive ou industrielle et les engins agricoles de grande taille. Il peut être associé en agroforesterie à une exploitation de terres agricoles mais dans d'autres situations, le nouveau bocage peut être sans biodiversité d'aspect géométrique, aseptisé et monospécifique (une seule espèce). Il n'est alors qu'une médiocre source de bois à bas prix pour la sylviculture intensive. De ce type de bocage moderne ou néobocage.

Pourtant le bocage est un constituant important du réseau écologique. Ses réseaux imbriqués de prairies, haies, talus et fossés sont autant d'éléments jouant un rôle de corridors biologiques. Les haies de ce type de bocage protègent les sols et cultures, et représentent alors une intéressante source de bois-énergie à valoriser.

On appelle débocagisation les phases de destruction de bocages ; à l'inverse, pour les constructions, reconstructions ou rénovations de bocages, on parle d'embocagement.

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Un bocage mêlant haies larges (bandes arbustives), champs cultivés et prairies

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Un paysage bocager : terres cultivées et pâturages protégés par des haies brise-vent, Toscane (Italie)

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Une structure bocagère de montagne riche en haies vives et écopaysagèrement connectée aux boisements et à un rivage lacustre, bord du Zeller See (Autriche).

Étymologie et histoire du mot

Le mot bocage dont les termes anciens de Bôqueige en Bourgogne, boscatge dans le midi, boscage en Espagne, et bocage en Angleterre viennent tous du français, est originellement issu de boscus (en bas latin) et de b?sk- (en germanique) qui ont ensuite donné :

  • bosc en ancien français,
  • puis « bois » et « bosquet » (forme empruntée à l'occitan, elle-même issue du français), suivi du suffixe -age.
  • La forme bo(s)cage est un emprunt au normand et a supplanté l'ancien français boschage.

Cependant, il est nécessaire d'établir une distinction entre le sens ancien et le sens actuel. En effet, l'étymologie prête à confusion puisque le bocage désigne désormais une construction humaine et ne naît pas de la forêt.

L’ancien terme boscage ou bocage a longtemps désigné un petit bois, plutôt qu'un réseau de haies (Auia virgulta évoque le bocage où l'on ne peut passer). Au XIIe siècle, le poète Wacedistingue les habitants des bois et ceux des plaines Li païsan et li vilain, Cil del boscage et cil del plain [de la plaine]. Au XIIIe siècle, le bocage évoque encore un milieu sauvage : près de lui estoit [le loup] es boscages, Si li a fait sovent anui la rose (Ren. 7398) ; Si n'ai mès cure d'ermitages ; J'ai laissié desers et bocages (11906) ; Cil de Chartrouse sont bien sage ; Car il ont lessié le bochage Por aprochier la bone vile (RUTEB., 167).

Le mot s’est écrit boucaige aux XVIe et XVIe siècles. (Palsgrave note qu'on le prononçait boquaige).

Selon le premier Dictionnaire de l'Académie française (1694), le mot bocage a les mesmes significations que Bosquet. Le Dictionnaire critique de la langue française (Marseille, Mossy 1787-1788) précise que le mot, comme l’adjectif bocager, -ère désigne un petit bois et qu’il n'est d'usage qu'en Poésie, non plus que bocager (loueroit comme toi les Nymphes bocagères (Gresset).

Le mot n'est plus à la mode à Paris ; l’Académie précise que bocager vieillit : c'est que le genre de poésie où il étoit employé, est assez hors de mode. Cependant, dans une pastorale, un poète s'en servirait sans scrupule, et l'on ne lui en ferait pas un crime. Au XVIIIe siècle, le dictionnaire lui donne une connotation plus positive, bucolique : un petit bois, ou lieu ombragé et pittoresque ; À l'ombre d'un bocage. Dans le bocage. Vert bocage. Bocage frais, agréable, délicieux (Dictionnaire de L'Académie française, 6e édition (1832-5). Pour la 8e édition du Dictionnaire de l'Académie française (1932-5), le terme bocage garde le même sens et s'emploie surtout en poésie.

La notion contemporaine de réseau maillé de haies n'a finalement été largement diffusée que dans les années 1960-1980, essentiellement par les géographes, au moment de la régression rapide du bocage détruit par les remembrements et l’urbanisation, via les alertes des milieux scientifiques et de la protection de l’environnement.

Présentation

Bocage français

On trouve des structures semi-bocagères en Charente et en Limousin. Mais nombre de régions françaises abritent des paysages que l'on peut véritablement qualifier de bocage.

  • Le bocage de l'Avesnois dans le Nord de la France a été essentiellement reconstitué au XIXe siècle, avec une diversité génétique, des aubépines notamment plus pauvre pour cette raison. Les haies y sont souvent plus basses, étroites, régulières et homogènes que dans les autres bocages français. Les haies ont presque disparu entre Maubeuge et la Haie d'Avesnes, mais elles subsistent plus au Sud ; de la Haie d'Avesnes à la Thiérache. Cette région aujourd'hui classée parc naturel régional a été au XIXe siècle très productrice de pommes, mais de nombreux pommiers ont été arrachés au début du XXe siècle.
  • Le bocage berrichon n'est plus voué à la disparition, les champs séparés par des bouchures (patois berrichon), haies devant leur appellation à leur entretien (palisser), jadis effectué à la main, on bouchait les éventuels trous en pliant de jeunes arbres, d'où leur nom.
    • Les bocages charolais et brionnais en sont une composante des plus anciennes (datant de l'Ancien Régime.
  • Le bocage bourguignon est également récent. Sa mise en place qui correspond à la spécialisation bovine de la région et au développement de la race charolaise date du XIXe siècle. C'est un bocage géométrique, qui rappelle celui de Thiérache et de l'Avesnois, mais dont les haies – à plat – sont plus riches, faites de divers épineux, de sureaux, de prunelliers et de saules. On le trouve à partir de Moulins (03) avec le Bocage bourbonnais, dans des départements de Bourgogne stricto sensu (58, 71 et 21), mais aussi dans la Loire et Haute-Loire.
  • Le bocage bressuirais couvre une partie importante du Nord-Ouest des Deux-Sèvres et constitue le prolongement du bocage vendéen dans le Nord de la Vendée, bastion des guerres de Vendée qui ont pris naissance dans ces zones de chemins creux et boisées assez vallonnées. Tout y est fait aujourd'hui pour préserver, voire replanter les haies bocagères.
  • Les bocages du pays de Bray (Normandie intérieure) et du Boulonnais. Ce dernier, constitué après les défrichements du Moyen Âge, a conservé plus d'un millier de mares qui sont des éléments supplémentaires de biodiversité en favorisant l'épanouissement d'une faune et d'une flore spécifique : (batraciens, iris, menthe aquatique…).
  • Bocage de Thiérache, dont les premiers noyaux datent du XIVe siècle, dans une région où les paysans sont frondeurs et portés à l'individualisme agraire. Ils se sont étoffés aussi, à la suite de la suppression des contraintes collectives et avec le développement de l'élevage laitier, aux XVIIIe et XIXe siècles. Ils ont aussi subi des remembrements.

Bocages à rôles historiques

Les bocages de l'Ouest (Normandie, Bretagne, Maine, Vendée) se sont essentiellement développés au cours du Moyen Âge, la région ouest n'ayant pas connu la pénétration des systèmes d'assolement que l'on rencontre dans les openfield de l'Est. Les bocages de l'Ouest se sont étoffés aux XVIIIe et XIXe siècles, puis ont finalement subi les remembrements au XXe siècle.

  • Les Bocages breton et vendéen se sont illustrés dans l'histoire de la chouannerie en France. Les chouans s'y sont longtemps protégés des armées républicaines.
  • Le Bocage normand a été le théâtre de combats entre les armées allemandes et alliées à la suite du débarquement, pendant la Seconde Guerre mondiale (bataille de Normandie). Le réseau des haies, talus et fossés du Bocage normand ont rendu le passage des chars plus difficile et ont multiplié les possibilités de se cacher, pour les deux camps.

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Le bocage du Boulonnais, Nord de la France

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Au sud de la France : une structure bocagère du Massif central (Aveyron)

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Bocage du Berry, commune de Coust (Cher)

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Paysage actuel du bocage virois (Normandie).

Autres bocages en Europe

Bocage belge

Dans l'Antiquité, César signale (dans sa Guerre des Gaules) des haies bien maintenues sur le territoire des Nerviens (dans l'Est de l'actuelle Belgique). Une région du Brabant située à l'est de Louvain s'appelle encore de nos jours le Hageland : « le pays des haies ».

Le Pays de Herve : un paysage de bocage persiste en Belgique dans le pays de Herve ou plateau de Herve. Cette région vallonnée, d'environ 450 km², se trouve dans la sous-région agro-géographique de l'Entre-Vesdre-et-Meuse, à l'est de la Province de Liège. Elle est caractérisée par l'omniprésence des prés, prairies, vergers, souvent entourés de haies, mares. La dispersion de l'habitat y est totale : les villages regroupent les fonctions collectives mais les fermes sont dispersées à travers tout le finage, ce qui est rendu possible par la présence d'innombrables points d'eau. En raison de l'urbanisation croissante et de l'industrialisation de l'agriculture et de l'élevage, ce paysage est aujourd'hui dégradé.

Autrefois région de culture céréalière, le pays de Herve s'est reconverti en zone herbagère et laitière au XVIe siècle. À cette époque en effet, la région était isolée du reste de son territoire politique par la Principauté de Liège. Pour éviter de payer les taxes sur les céréales imposées par cette dernière, l'Entre-Vesdre-et-Meuse s'est reconverti dans l'élevage et l'arboriculture. Après cette reconversion, le Pays de Herve n’avait presque plus de forêts. Mais, les fermiers disposaient pourtant de bois de chauffage, car une partie de leurs haies, entourant prairies et vergers, comportaient des arbres (frêne, charme, chêne, saule, …) taillés en têtard. Ils disposaient ainsi d’une source renouvelable de bois-énergie.

Dès 1970, la débocagisation est en marche en Belgique : les obligations de l'éradication du feu bactérien et l'arrachage encouragé par la Commission des Communautés Européennes ont quasi définitivement dégradé le bocage hervien. Les basses tiges sont encore présentes sur les seules terrasses mosanes.

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Bocage du Pays de Herve

Bocage anglais, un cas particulier

Au Sud-Est de l'Angleterre, sur un sol sédimentaire poreux qui, en principe, ne se prête pas à ce type de paysage, s'est implanté un bocage résultant du mouvement des enclosures.

L'Angleterre ayant développé au XVIIe siècle une politique maritime ambitieuse, elle se mit à importer le blé russe, moins cher que le blé anglais. L'enclosure favorisa l'élevage de moutons et limita la production céréalière anglaise.

Parmi les conséquences de cette politique, l'exode rural fut amplifié et la révolution industrielle accélérée, les ouvriers agricoles désormais en surnombre migrant en masse vers les villes pour travailler dans les usines.

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Petit bocage anglais (Edale valley, Peak District, Royaume-Uni)

Évolutions historiques du bocage

Mise en place

Le néolithique est considéré comme la période des débuts de l’agriculture : un climat plus clément ainsi que la diminution vraisemblable des ressources de la chasse et de la cueillette, amènent progressivement les populations à se fixer et à entreprendre la domestication d’espèces végétales et animales.

Le bocage est apparu lors des premiers défrichements et a apporté une réponse magistrale à la dégradation des terres lœssiques et à l'érosion des sols.

Au Moyen Âge, l'augmentation des besoins en céréales, qui constituent la base de l'alimentation humaine, entraîne de grands défrichements. Après 1100, les seigneurs se montrent intéressés par le gain de terres et organisent eux-mêmes les opérations de défrichement. Si les paysages d'openfield ont été favorisés par la forte demande en céréales, l'enrichissement de certains propriétaires et l'avènement de l'âge d'or de la propriété privée à l'époque moderne leur autorise l'acquisition de parcelles individuelles. On commence donc à mettre en place des champs de petite taille, carrés, délimités par des enclos qui sont installés dans les parties médianes de collines, là où la terre est la plus riche, afin de la retenir, et dans le bas des vallées, où le sol est hydromorphe.

Entre 1400 et 1500, les nobles s'emparent des terres indivises (non-propriétaires) située en haut des collines, pour y développer des métairies constituées de champs ouverts. L'araire fait son apparition et impose des parcelles carrées.

À partir de 1900, le bocage est complété par des champs de même taille et tirés au cordeau.

Le bouleversement européen contemporain

 

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Haies relictuelles, arbres isolés, grandes surfaces herbagères et haies vives remplacées par des clôtures : les éléments du semi-bocage limousin (ou « campagne-parc »).

À l'époque contemporaine, avec la croissance de la mécanisation et l'arrivée de l'agriculture intensive, le bocage de l'Europe est bouleversé. La haie, les talus et le réseau hydraulique de fossés et mares associés, trois éléments qui se complètent pour créer les bocages les plus riches et écologiquement les plus stables sont également menacés par les mêmes causes : l'apparition des tracteurs et des grandes machines agricoles, et le besoin de parcelles de plus en plus grandes.

Les haies, encombrantes, sont détruites par les agriculteurs à la suite des remembrements. On souhaite de larges passages, les chemins et fossés sont agrandis, mis en culture ou laissés à l'abandon. La haie perd son caractère juridique propre.

À la suite de ces bouleversements, la gestion de l'eau s'en est trouvée bouleversée. Les destructions sont soupçonnées d'être à l'origine d'inondations et de sécheresses plus fréquentes et exacerbées, de pullulations d'insectes dits « nuisibles », de dégradation des sols et pollution de l'eau par le ruissellement et l'érosion. Parfois, les seules haies conservées sont dirigées dans le sens des pentes. La reconstruction est localement subventionnée, par exemple par les mesures agroenvironnementales, permettant la restauration des écosystèmes particuliers qu'abritent les haies (« rembocagement »).

Une régression rapide en France

Dans les années 1860 à 1970, le bocage a régressé ou disparu sur une grande partie de son aire antérieure :

  • on estime à 40 000 km les haies détruites dans le seul département du Finistère
  • ce sont 2 millions de km de haies, pour l'ensemble de la France, et ceci non sans conséquences.

De nombreuses régions connaissent désormais des structures dites de bocage altéré ou « semi-bocage » (comme en Charente et en Limousin). Ce paysage agraire à embocagement imparfait mêle des enclos à dominante herbagère et des openfield de labours.

Dans les années 1970 à 1990, les grands remembrements faits en France achèvent de détruire une grande partie du réseau bocager. S'ajoutent à cette catastrophe écologique, les effets de l'épidémie de graphiose de l'orme qui tue presque tous les grands ormes de France, autrefois très présents dans le bocage.

  • à titre d'exemple, en Bretagne, on estime que le linéaire bocager a chuté à environ 74 000 km en 1971, 24 000 km en 1980 et 26 000 km en 1996.

Dans les années 1990 à 2010, la vitesse et l’ampleur de la régression ont diminué. Mais le recul s’est poursuivi, avec une perte estimée d’environ 1 000 km de haies par an de 1996 à 2009, soit 16 000 km supplémentaires perdus en 13 ans; et ceci malgré les opérations de restauration de bocage.

Écologie du bocage

Évaluation quantitatives et qualitative d'un bocage

Mesurer la qualité et la quantité d'une haie ou d'un réseau de haies est une opération difficile.

  • État quantitatif : Aux échelles locales, il peut être évalué sur le terrain par la mesure du nombre moyen d'arbre et buissons, de la hauteur de ces arbres ou buissons, du diamètre moyen des troncs, de la surface terrière, de la biomasse végétale, etc.
    Des indices de biomasse et des indices de linéaires (km de haies) peuvent être établis aux échelles paysagères et régionales par analyse de
    photos aériennes. Mais les résultats de différentes campagnes de mesure sont parfois difficilement comparables.
    Certaines évaluations différencient les haies vives des haies basses, et Les photos prises en hiver peuvent faire sous-estimer le linéaire ou la biomasse alors que celles prises en été peuvent le faire surestimer.
    Ainsi, selon le projet interreg ARCH de cartographie transfrontalière des
    habitats naturels le Nord-Pas-de-Calais abritait en 2009 27 871 km de haies vives, haies basses, et alignements, surtout concentrés dans l'Avesnois et le Boulonnais. Mais d'autres calculs faits pour des régions plus bocagères donnent des chiffres inférieurs, car n'ayant comptabilisé que les haies vives (qui concentrent l'essentiel de la biomasse).
  • État qualitatif : Il est lié à la diversité des essences, à leur autochtonie, à la richesse écologique des essences d'accompagnement, des ourlets, de la strate herbacée, à la santé et résilience des haies.
    Il est aussi lié aux services écosystémiques rendus par le bocage, en particulier à ses fonctions de
    corridors biologiques et d'abri pour de nombreuses espèces. Il n'existe pas encore de méthode standardisée ou normée d'évaluation de l'état du bocage.

Pour ces deux thèmes, il est en outre nécessaire de relativiser et pondérer les chiffres au regard du contexte biogéographique et climatiques, ainsi que des enjeux écopaysagers et agro-sylvicoles.

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Le bocage traditionnel (ici du Cotentin, en France, vers 1945) offrait un compromis intéressant entre protection et exploitation des sols et des agro- et éco-systèmes. Souvent associé à la culture de fruitiers et à l’élevage laitier, il permettait des systèmes polyculture-élevages autonomes et résilients, fonctionnant en boucle fermée, c’est-à-dire sans intrants, et sans déchets.

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Mélange d'un bocage très géométrique et de haies-ripisylves ou galeries le long des cours d'eau (île des Açores)

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Exemple de néobocage monospécifique et très artificiel (Açores, Portugal)

Un paysage adapté à l'activité agricole

  • Le bocage est idéalement adapté à la production fourragère et à l'élevage en pâturages, et offre également des ressources fruitières, en gibier et en champignons bien plus importantes que dans le cas de l'openfield.
  • Une meilleure rétention et protection de l'eau ainsi qu'une forte limitation de l'érosion agricole sont d'autres aspects remarquables du paysage bocager. En occident, quand elles ont été constituées, les parcelles encadrées de haies, talus et/ou murets et fossés ont contribué à conserver des rivières claires et pures où saumons et truites de mer sont longtemps restés abondants.
    • Lors de la saison humide, le fossé draine les sols. Le talus bloque le ruissellement, et donc la détérioration ou la destruction de la terre cultivable. La haie protège du vent, susceptible de dévaster des cultures. En Bretagne, dans bien des cas, les fossés sont suffisamment larges pour former des chemin creux.
    • Lors de la saison sèche, le fossé hydrate le sol, et donc augmente le rendement de la production agricole.
  • C'est un paysage dans lequel on ne constate pas ou peu d'invasions ou de pullulations biologiques, car les haies abritent de nombreux animaux régulateurs des insectes.
  • La haie permet aussi, dans les économies moins ouvertes, un apport de bois de chauffage et de construction. Elle abrite souvent des arbres fruitiers, qui complètent la production des champs.
  • Le bocage demande cependant un entretien constant. Ainsi, talus et murets doivent être réparés, les haies doivent être taillées et restaurées là où le temps ou le bétail les ont dégradées.

En outre, la protection contre le vent et le soleil, si avantageuse en été, peut augmenter le nombre de jours de gel, tout en atténuant les chocs climatiques. Cet entretien était en quelque sorte compensé par la production de bois de chauffage, d'œuvre et de fourrage, qui ne sont aujourd'hui plus attrayants pour les agriculteurs et nécessitent souvent d'être brûlés sur place. La valorisation des branchages pour le bois raméal fragmenté (BRF) et les plaquettes forestières est cependant en train de redonner un intérêt économique grandissant à ces sous-produits.

Valorisation de la filière bois

Si la grande forêt préhistorique a depuis longtemps disparu des régions bocagères, certains arbres restants du bocage (ormes, chênes) étaient régulièrement émondés. Ils produisaient des troncs rectilignes particulièrement durs et résistants, qu'on a notamment utilisés comme poutres et pour les charpentes de ces régions où ils se sont généralement bien conservés sans pesticides ni traitements.

La productivité en bois du bocage varie beaucoup selon le contexte édaphique (types de sols et de micro-climat), mais aussi selon les essences, et selon l'âge des arbres et leur type d'entretien.

Valorisation de son rôle écologique

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Dans ce paysage de bocage ancien anglais, certaines des haies naturelles séparant des parcelles agraires, ont été attaquées par les machines agricoles. Elles sont devenues peu denses et discontinues.
North York Moors, Angleterre.

Le bocage ancien est une sorte de « forêt linéaire » densément maillée qui a su préserver des reliques de la forêt antique ou préhistorique (on parle souvent dans ces cas de haies patrimoniales). Il a offert durant des siècles aux espèces écotoniales des lisières et clairières et aux petites espèces forestières un « habitat de substitution ».
C'est un écosystème particulièrement
résilient où les pullulations (de rats, souris, limaces, insectes et autres parasites des cultures ou animaux d'élevages) sont étouffées dès leur origine par leurs prédateurs toujours présents dans le refuge permanent que constitue pour eux le réseau de haies. On connaît une exception ; la maladie des ormes (graphiose, véhiculée par un scolyte), qui a fait disparaître des millions de ces arbres à la fin du XXe siècle, peut-être aussi en raison du fait d'une certaine homogénéité génétique des ormes plantés dans le bocage pour produire du bois de charpente.

Bien qu'il ne s'agisse pas de bocage stricto sensu, très localement, quelques vieilles haies patrimoniales pourraient descendre de la forêt préhistorique ; au contact de plusieurs anciens noyaux de défrichements notamment. Ce semble aussi être le cas des haies-frontières telles que la (haie d'Avesnes par exemple en Thiérache). Le terme de "haie" désigne alors un boisement linéaire, de très grande surface, non une haie au sens actuel du terme. Ces haies sont souvent restées connectées à une structure bocagère jouant probablement vis-à-vis de ces dernières le rôle d'un cœur d'habitat ou tout au moins d'un réservoir de biodiversité et de propagules. Mais les écosystèmes ayant une forte inertie, la biodiversité dépend aussi fortement de l'âge des boisements et de l'ancienneté des structures bocagères.

Le Bocage est dans tous les cas un élément important du réseau écologique local. À cet effet, il peut prétendre à certaines aides :

- Le bocage est éligible à certains écosociolabels tels que le FSC.

- Dans certains pays, il peut faire l'objet de protection en tant que corridor biologique ou en tant que élément patrimonial paysager (cadre de la Trame verte).

- Enfin en France, la loi paysage permet le classement de haies pour leur protection.

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L'ancien bocage périurbain de Brest, juste derrière les fortifications de la ville, tel qu'il existait encore en 1811, selon le Plan-relief (visible sur la vignette en bas à droite) réalisé de 1807 à 1811 à l'Échelle 1/600e).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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