Cichorium intybus - Chicorée amère, Chicorée sauvage, Chicorée commune, Chicorée intybe
(Asteraceae)
La Chicorée amère (Cichorium intybus) est une espèce de plantes à fleurs herbacées vivaces de la famille des Astéracées. Elle est à l'origine de salades comme la barbe de capucin , les endives ou chicons ou les chicorées rouges italiennes (voir Radicchio), mais aussi les chicorées à café, etc.
Cette espèce est aussi appelée Chicorée sauvage par les horticulteurs et certains botanistes alors qu'elle est très cultivée dans les régions méditerranéennes et qu'elle possède de nombreux cultivars bien différenciés et très évolués. Et comme le remarque Michel Chauvet, il conviendrait mieux de l'appeler « chicorée amère », car ses représentants sont précisément appréciés pour leur amertume, que la sélection a maintenue bien plus que chez Cichorium endivia, la chicorée endive. Car il faut prendre garde de ne pas confondre cette espèce cultivée avec l'espèce proche : la chicorée endive qui donne deux salades : la chicorée frisée et la chicorée scarole.
Connue en Europe depuis l'Antiquité gréco-romaine, elle fait partie des plantes dont la culture est recommandée dans les domaines royaux par Charlemagne dans le capitulaire De Villis (fin du VIIIe siècle ou début du IXe siècle). Ses principaux groupes de cultivars actuels développés depuis le XVIIe siècle, ont pris une importance économique variable selon les pays. Ainsi, la production d’endives reste concentrée dans l'Union Européenne, avec 249 000 t dont 57 % en France, 23 % en Belgique et 20 % aux Pays-Bas.
Cichorium intybus

Chicorée sauvage
Espèce
Cichorium intybus
L., 1753
Dénominations
- Nom scientifique valide : Cichorium intybus L. Ce nom a été donné par Carl von Linné en 1753 dans Species plantarum 2 :813. Le nom Cichorium a déjà été utilisé par le botaniste pré-linnéen Caspar Bauhin dans Pinax theatti botanica (1671) cité par Linné. En grec, κιχόρον kikhorion (Théophraste VII, 7,1) signifiant Cichorum intybus
- Nom vulgaire (vulgarisation scientifique) accepté, recommandé ou typique en français : Chicorée amère ou Chicorée sauvage.
- Autres noms vulgaires : Chicorée commune, Chicorée ordinaire, Chicorée intybe.
- Noms vernaculaires (langage courant), pouvant désigner éventuellement d'autres espèces : chicorée, barbe-de-capucin, fausse gerbe, yeux-de-chat, lacheta, laideron, sautorna, etc. Autrefois on l'appelait aussi écoubette, écoubette bleue ou cheveux de paysan.
En langue étrangère, la plante est appelée par exemple Chicory en anglais, Gemeine Wegwarte en allemand ou achicoria común en espagnol.
Étymologie
Le nom de genre Cichorium vient du latin classique cichorium « chicorée », venant lui-même du grec κιχορια, ων (τα) kikhoria « chicorée » (légume), forme de neutre pluriel du singulier κιχοριον kikhorion, nom d'origine égyptienne.
L’épithète spécifique intybus est emprunté au latin qui lui-même vient du grec ἔντυβον entybon qui indiquait la chicorée scarole.
Le terme français chicorée vient aussi du grec κιχορια, kikhoria, via le latin et l'italien. Il apparait comme cikoré (XIIIe siècle s.), cicoree (v. 1370), puis chicorée (1528) sous l’influence de la prononciation de l'italien cicoria (av. 1250). C’est la raison de la migration du h derrière le premier c : cichorium → chicorée.
Description
Appareil végétatif
Cichorium intybus est une espèce de type vivace quand elle pousse dans les prés, les champs incultes ou les bords de chemin, mais pour la production de graines, ses cultivars sont généralement cultivés en bisannuelle.
C'est une plante herbacée robuste, plus ou moins pubescente, de 40 cm à 1 m de haut. La rosette de feuilles la première année est aplatie, la jeune pousse au printemps est rapidement dressée, comme une sorte d’ébauche du chicon. La racine est pivotante et charnue. La tige unique, très rameuse, velue, à rameaux rigides (participant à la résistance au vent) et minces formant avec elle un angle obtus, présente des feuilles basales en rosette profondément découpées (roncinées) en lobes écartés ou renversés, semblables aux feuilles de pissenlit, des feuilles intermédiaires entières lancéolées, embrassant la tige, et des feuilles supérieures réduites à des bractées. Ces feuilles sont très velues sur les nervures principales. Toutes les parties de la plante produisent un latex blanc et sont amères.

Plante jeune.

Tige

Feuilles basales.

Feuilles.
Appareil reproducteur
Les inflorescences sont des capitules formées de fleurs ligulées, bleues, poussant souvent directement sur la tige voire à la base des ramifications. Les capitules axillaires et terminaux, solitaires ou en grappes, possèdent 15-20 fleurons. Ceux-ci sont bleus ou exceptionnellement roses ou blanc bleuté.
Les capitules s'étalent dès l'aube (l'inflorescence étant orientée vers l'est) et se referment définitivement vers midi (phénomène de photonastie). Cependant, un ciel couvert perturbe ce cycle et les fleurs peuvent rester ouvertes jusqu'à la tombée de la nuit voire jusqu'au lendemain alors que de nouvelles fleurs s'ouvrent. La brièveté de la floraison de chaque inflorescence conduit à ce que la plante porte peu de fleurs ouvertes en même temps, ce qui lui donne un aspect dégarni. La période de floraison va de juillet à septembre. La pollinisation est entomogame et autogame. Les fruits sont des akènes dépourvus de pappus.

Aspect général.

Capitule.

Capitule de profil

Fruits (akènes)
Formes cultivées
Habitat et répartition
- Habitat type : friches vivaces xérophiles européennes. Très commune dans les prés, les champs incultes et au bord des chemins. Originaire d'Europe continentale, d'Asie et d'Afrique du Nord, elle est cultivée et naturalisée dans de nombreux pays (Amérique du Nord, Chine, etc).
- Aire de répartition: l’espèce est originaire de l’Europe continentale, de l’Atlantique à l’Oural (sans l’Irlande et le Royaume-Uni), le Proche Orient, Iran, Caucase, Pakistan, Afghanistan, l’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan), le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, mais pas la Libye), l’Égypte.
Elle a été introduite en Amérique du Nord et une grande partie de l’Amérique du Sud, quelques pays d’Afrique (Égypte, Libye, Mauritanie, Éthiopie, Afrique du Sud, Congo RDC...), en Asie du Sud, Asie orientale (sauf Japon), Asie du Sud-Est, Sibérie occidentale et centrale, Australie.
Histoire
Dans les textes anciens, il est difficile de distinguer Cichorium intybus de Cichorium endivia. Les deux espèces ont été cultivées très tôt et il existe des formes à feuilles larges dans chacune d'elles. La chicorée amère existe à l’état sauvage partout en Europe continentale.
Le philosophe et botaniste grec Théophraste (-371 ; -288) a décrit l’espèce sous le nom de kikhorion κιχοριον, et indique qu’elle possède une longue racine qui lui permet de régénérer quand on a cueilli ses feuilles. Quatre siècles plus tard, le pharmacologue grec Dioscoride (+30 ; +90) indique que le seris σερις existe sous forme « sauvage et cultivée. La sauvage est appelée « amère » pikris ou « chicorée » kikhorion ; elle a des feuilles plus grandes et est meilleure pour l’estomac que celle des jardins. Cette dernière est aussi de deux types : l’un, avec ses grandes feuilles ressemble à la laitue, l’autre a des feuilles assez étroites et est assez amer » (Materia medica[20], II, 132).
L’encyclopédiste romain Pline l'Ancien (+23 ; +79), contemporain de Dioscoride, précise dans son Histoire naturelle, (HN. XIX, 129; XX, 73, XXI, 88) les vertus médicinales que l'on prête dans l'Antiquité à la chicorée sauvage (qu’il nomme cichorium) et signale que « En Égypte (province romaine de l'Égypte), on appelle cichorium l’espèce sauvage et séris l’espèce cultivée, qui est plus petite et plus nervurée » (HN, XX, 73).
La chicorée est cultivée en Europe comme plante médicinale pendant le Moyen Âge. Elle fait partie de la liste des plantes potagères recommandées dans le capitulaire De Villis, par Charlemagne et elle est indiquée par Hildegarde de Bingen (1098-1179) comme plante médicinale.
Au XIIe siècle, l’agronome d’Al-Andalus, Ibn al-Awam, consacre une longue section à la chicorée dans Le Livre de l’agriculture, sans qu’on sache de quelle espèce il s’agit. Il y décrit le blanchiment plusieurs siècles avant les autres Européens « quand on ramène la terre autour des pieds de chicorée, repiqués ou restés en place, de façon que les feuilles en soient couvertes et qu’on n’en voient passer que les extrémités, et si chaque fois que le plante a poussé on continue à ramener la terre comme la première fois, de manière à couvrir les feuilles à l’exception des extrémités, lorsqu’on arrachera la chicorée ainsi traitée, on trouvera les feuilles blanches, tendres, d’un goût agréable et d’un bon suc (sans amertume) ».
Ce n’est que vers la fin du XVIe siècle que des preuves indiscutables de distinction entre les deux espèces cultivées apparaissent. Au milieu du XVIIIe siècle, De Combles distingue un premier groupe, non nommé, qui apparait à travers ses descriptions, et un second groupe nommé scariole. Il indique que la chicorée sauvage « qui s’appelle Endive nom synonyme » est d’un grand intérêt pour la salade, soit récoltée jeune après semi dense soit par forçage des racines à partir d’octobre. Les racines sont rentrées en cave et piquées sur des meules de fumier (sans couverture de terre). Le forçage dure environ 25 jours. Mais en introduisant un poêle dans la cave, on peut réduire la durée à 14 jours.
La gamme variétale semble rester à peu près la même au cours du XIXe siècle.