Canicules, sécheresse et stress hydrique : comment s’adaptent les arbres ?

Le 11/09/2025

Les forêts françaises ont soif. Le déficit de précipitation et des températures élevées ne sont pas sans avoir un impact sur la végétation. En manque d’eau, les arbres jaunissent et perdent leurs feuilles, parfois dès le mois d’août. Qu’est-ce que le stress hydrique ? Comment les arbres se défendent-ils face aux sécheresses et aux canicules, devenues de plus en plus fréquentes ?

Comment les arbres font-ils pour boire ?

Les arbres fonctionnent comme une vaste pompe : par leurs racines ils prélèvent de l'eau dans le sol (et non dans la nappe phréatique), qu'ils transpirent par leurs feuilles via les stomates, sortes de "pores" qui permettent les échanges gazeux.

Les feuilles sont le lieu où s'effectue la photosynthèse, processus spécifique au végétaux (plantes ou algues) qui leur permet de constituer des réserves, tout d’abord sous forme de sucre puis sous forme de bois. Pour que ce mécanisme puisse s’opérer, il est nécessaire que l’arbre bénéfice de lumière qui apporte l’énergie pour transformer l’eau et le CO2 en oxygène et sucre.

Cette réaction qui s’effectue dans les cellules des feuilles a l’énorme avantage de nous apporter l’oxygène nécessaire à notre respiration et donc à la vie tout en absorbant du CO2, ce qui contribue à limiter l’effet de serre et atténuer les changements climatiques.

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Le rôle du sol dans le fonctionnement de l’arbre

Le sol fonctionne comme une grosse éponge : il stocke l’eau en hiver, en automne et au printemps (périodes de forte alimentation) et la restitue à la forêt tout au long de l’année.

Cette capacité de stockage des sols varie en fonction des types de sols et de peuplements forestiers. Un peuplement à la surface foliaire clairsemée interceptera moins de pluie qu'un peuplement au feuillage dense permettant de fait à une quantité d’eau plus élevée d'alimenter le sol.

Le bilan hydrique permet de comparer la quantité d’eau qui arrive au sol (par les pluies) et ce qui repart (par transpiration de la végétation notamment).

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L’eau du sol puisée par les racines a plusieurs rôles :

  • Alimenter l’arbre en eau, en composés carbonés et en nutriments
  • Permettre la transpiration par la circulation de la sève brute
  • Participer à des échanges gazeux entre l’atmosphère et l’arbre

Tous ces mécanismes sont nécessaires au bon fonctionnement de l'arbre.

Le flux de sève dans l’arbre est un peu comme le sang chez l’homme, à la différence près que la sève ne circule pas en circuit fermé : l’eau absorbée par les racines s’évapore au niveau des feuilles. En conséquence, les arbres ont besoin de beaucoup d’eau pour permettre ces échanges et en particulier la photosynthèse, fondamentale à la vie sur terre car elle capte du CO2 et libère de l’oxygène.

Il faut savoir qu’un arbre peut prélever dans le sol jusqu’à environ 200 litres d’eau par jour !

Quel est le rôle du climat ?

L’humidité dans l’atmosphère a également un impact, bien qu’elle ne soit pas directement captée par la végétation. En effet lorsqu’elle baisse, la transpiration de l’arbre est alors plus élevée ce qui entraîne une demande en eau du sol plus forte.

L’augmentation des températures provoque une augmentation des prélèvements en eau du sol en augmentant la transpiration de l’arbre. Et ce même à pluviométrie constante !

Qu'est-ce que le stress hydrique ?

Un léger manque de pluie n'affecte pas les arbres. L’éponge que constitue le sol va leur permettre de bénéficier de l’eau emmagasinée lorsque les pluies ont été plus abondantes. Tant que la terre n'est pas trop asséchée, les arbres peuvent donc se développer sereinement.

En revanche, la situation se complique lorsque le manque de précipitations se prolonge et que le réservoir en eau du sol n’est plus rempli qu'à 40 % et moins. A ce stade, les arbres souffrent du manque d'eau, plus difficile à extraire par les racines, on peut alors parler de stress hydrique. Les gros et vieux arbres, qui ont besoin de plus d'eau que les jeunes, sont particulièrement touchés.

C’est ce qu’on constate quand les sécheresses se succèdent ou sont plus intenses. Les feuilles des arbres flétrissent, roussissent puis tombent pour leur permettre de faire des économies d’eau. Les fortes températures brûlent également les feuilles qui ne deviennent plus fonctionnelles et tombent.

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Hêtre dépérissant

Le manque d’eau, un risque réel pour les arbres

  • La défoliation précoce

Si les sécheresses se répètent ou se prolongent, lorsque chaleur et sécheresse se conjuguent, les arbres n’ayant plus d’eau à disposition dans le sol, ferment leurs stomates et se débarrassent de leurs feuilles pour limiter leur transpiration et leur respiration. Les moyens de défense en place les affaiblissent.

Avec une fermeture partielle des stomates voire une chute trop précoce des feuilles, les arbres se retrouvent alors "sous-alimenté en carbone" car ils ne peuvent plus faire suffisamment de photosynthèse et doivent puiser dans leurs réserves. Or, ils ont en besoin l'année suivante pour refaire des feuilles. Les arbres deviennent également moins aptes à se défendre contre les insectes, les champignons et les maladies.

"La défoliation peut également s'accompagner de mortalité de petites branches, puis de branches plus importantes, or moins il y a de branches, moins il y a de feuilles. Et si la sécheresse dure, les arbres peuvent aussi produire de plus petites feuilles l'année d'après. Ils font ainsi moins de photosynthèse, moins de réserves pour l'hiver… C'est un cercle vicieux"

  • La cavitation

Quand le besoin en eau de l’arbre est trop élevé par rapport à l’eau disponible dans le sol et que les stomates ne sont pas totalement fermés, des bulles d'air se forment dans les vaisseaux de l'arbre et empêchent la conduction de l'eau, créant une embolie qu’on appelle cavitation.

« Quand il n’y a plus d’eau dans le sol, les arbres aspirent de l’air. Comme chez les humains, les bulles d'air bouchent les vaisseaux et causent la mort des branches qui étaient irriguées par ces vaisseaux ».

La sensibilité à la cavitation est très variable d’une espèce forestière à l’autre : certaines espèces comme les saules y sont très sensibles, d’autres comme les cyprès, adaptés à des climats chauds, sont plus résistantes.

La conjonction du manque de réserves, de la sensibilité face aux attaques diverses et du niveau de cavitation peut entraîner le dépérissement de l’arbre et à terme sa mort.

Face au stress hydrique, les arbres ripostent

En réponse au manque d'eau, les arbres déploient différentes stratégies de défense :

  • En refermant les stomates de leurs feuilles, les arbres diminuent leur transpiration. Mais cela se fait au prix d'un ralentissement de la photosynthèse et donc, de leur croissance entraînant une diminution de la productivité des forêts. 
  • En faisant sécher et tomber prématurément leurs feuilles, pour les espèces qui le peuvent, cela réduit de fait les pertes en eau en limitant le phénomène de transpiration. Mais lorsque ces défoliations sont précoces, elles diminuent d'autant la période de végétation des arbres. Or un arbre qui a perdu ses feuilles, ne fait plus de réserves pour l’année suivante. 
  • Certaines essences disposent d’éléments conducteurs de la sève plus résistants à l’apparition de bulles d’air dans la colonne d’eau. Ces adaptations permettent à l’arbre de maintenir une certaine ouverture des stomates.

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L’enjeu de la recherche

Face à l’amplification des phénomènes de sécheresse, l’ensemble de la communauté forestière et notamment les organismes de recherche-développement, se mobilisent pour comprendre plus en détail les interactions entre la forêt, le sol et l’eau. 

S’ajoute à cela l’impact des canicules, phénomènes de chaleurs extrêmes, qui sont de plus en plus courants. Le rôle de ces pics de chaleur dans certains dépérissements est assez mal connu et concentre l’attention actuelle des chercheurs.

Trouver des réponses pour maintenir une forêt résiliente est une priorité absolue. C’est ce à quoi s’emploie l’ONF à travers sa "stratégie changement climatique" avec les "correspondants changements climatiques" au sein des directions territoriales, et avec toutes ses équipes déployées sur le territoire.

Qu'en est-il en 2025 ?

Comme en 2022 et 2023, la conjonction de la sécheresse et de la chaleur lors de l’été 2025, a fait perdre massivement leurs feuilles aux arbres. La défoliation est arrivée tôt, dès mi-juillet, après la première vague de chaleur. La période de végétation des arbres, qui s’étend habituellement d'avril à mi-octobre, s’est ainsi arrêtée deux mois avant. Autant de temps perdu pour les arbres de croître, de stocker carbone, protéines et lipides leur permettant de mieux résister aux périodes de gel, aux maladies et aux insectes.

Le Sud-Ouest a particulièrement été touché en raison des deux canicules et de la sécheresse qui y ont été plus intenses. La défoliation y a été observée jusqu'en moyenne altitude dans les Pyrénées, ce qui est peu habituel.

Les précipitations de début septembre, vont permettre aux feuilles encore fonctionnelles de reprendre leur fonction de transpiration et aux arbres de reprendre leur croissance. Les feuilles déjà roussies, elles ne pourront pas reverdir.

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